Le journal du Yoga

Article paru dans LE JOURNAL DU YOGA, par Céline Chadelat

L’Art du Clown, au service du développement personnel, spirituel et professionnel

Suite à la rencontre foudroyante avec « sa Clowne », nommée Prune, Lydie Taïeb fonda, il y a dix ans, la Compagnie ClownEssence (devenue Clownessenciel). Rencontrant Jean Puijalon, ils décidèrent de marier leurs compétences respectives en mettant au point « la Pratique du Clown Eveilleur ». En prenant soin de ne rien forcer, cette habile combinaison emprunte à la philosophie orientale de Lao Tseu la technique du Lâcher Prise et à la psychologie jungienne le concept d’Archétype, pour laisser surgir du tréfonds de notre personnalité une figure familière, le Clown Eveilleur. Enfoui en chacun de nous, il n’est autre que la puissance de vie qui nous permet en toute situation, même la plus inconfortable, de ‘passer à travers les gouttes’ avec l’humour, l’énergie, la tendresse et la distance justes . Une synthèse de techniques anciennes et modernes, simple et accessible pour s’exprimer pleinement.

Aussi habile dedans que maladroit dehors, le clown apparaît comme le dernier né des grands archétypes de la culture occidentale. Semant le rire l’air de rien, la liberté du clown semble émerger d’un Artiste quelquefois bien désemparé face au public. Lorsqu’elle s’initiait aux techniques de clown, Lydie nourrissait le regret que « les artistes ne disposent pas d’un enseignement qui utilise la puissance d’intériorisation des techniques de méditation et de conscience corporelle orientales. J’avais l’impression de rester toujours en dehors de moi, sans savoir quoi chercher. Et je restais sur ma faim.». C’est là le génie de la méthode : troquer le soi abstrait contre la figure du clown à laquelle chacun est coutumier.

L’Ecole du Clown Éveilleur quitte les apparences et approfondit l’idée habituelle de ce curieux personnage pour inviter l’Artiste à aller pêcher ses trouvailles à l’intérieur de lui-même. Celui-ci est le moteur de la joie intérieure, l’inspirateur du présent, l’essence de la présence de l’Artiste. (D’où le nom de ClownEssenciel, évidemment). Lydie le décrit comme « le magicien capable de fondre et d’épouser l’instant présent de la manière la plus jouissive possible, sans contourner ni les difficultés, ni les obstacles. Il accueille et amplifie si besoin est l’étrangeté que cela donne à voir. Pour que son Clown Éveilleur vienne l’habiter et le transfigurer, l’Artiste doit réaliser une acceptation complète ». Le principe fondamental est le suivant : parce qu’elle est potentiellement présente en chacun d’entre nous, tout le monde est en mesure d’activer cette énergie. La Pratique du Clown Éveilleur a été créée pour permettre à ce résultat de se produire.

La première étape passe par l’expérience. Elle consiste en une observation des phénomènes mentaux, organiques et corporels ressentis lors d’une situation donnée. « Sur une scène, on se laisse agir par nos automatismes, c’est là-dessus que l’on va travailler », explique Lydie. La méthode part d’abord des dysfonctionnements : les difficultés à s’exprimer, à respirer, à ne rien chercher à faire etc. « Ces difficultés sont étiquetées par l’ensemble des conventions sociales comme « fragile », « pas sociale », alors que c’est comme un ’bug’ de l’âme, une expression corporelle, une maladresse toute simple, très ordinaire ; » dit encore Lydie.

Vient alors la deuxième étape : grâce à une méthode de contemplation très précise, (issue des méthodes de la Psychologie Jungienne), il s’agit de mettre un nom, un visage, des attitudes, toute une existence intérieure, sur des comportements récurrents. Ces personnages constitués ainsi sont appelées les « Figures Cachées » : une galerie de ‘monstres’ personnels, fruit d’années d’observations. L’enjeu consiste donc à contempler à l’intérieur de soi « le Cirque Invisible » où s’agite cette foule de protagonistes formatés : par exemple, la posture de « la petite souris » se recroquevillant sur elle-même.

Pour ce faire, Lydie explique : « on va déplier et déchiffrer ce qui existe déjà. Par exemple, sur scène, je vais me sentir mal à l’aise : je vais me gratter sans m’en rendre compte. Mon travail de coach, va consister à interpeller la personne sur ce point en l’invitant à continuer son geste et à ‘plonger dedans’ en conscience. Elle va pouvoir ensuite laisser fleurir ce comportement ; celui-ci est propulsé en interne par une sous-personnalité, la Figure Cachée, qui est, par exemple, un peu angoissée. L’artiste part alors en archéologie corporelle pour comprendre précisément la gamme de ressentis que cette Figure fait naître dans certaines parties du corps. » Travailler à la désidentification d’avec ces Figures est une part active du processus, grâce à la tenue d’un carnet personnel de Figures Cachées : « Donner un nom à la Figure, apprendre à la désamorcer, à connaître ses origines organiques, la raison de sa présence, le langage associé, la modulation de sa voix, sa danse dans l’espace, les pièges sémantiques grâce auxquels on la repère tout de suite … » précise Lydie.

De même, en début de séance, chacun apprend à contempler et à décrire techniquement son activité organique, puis à la décrire poétiquement, avant de s’envoler vers le clown. « Notre clown s’amuse et va automatiquement diminuer l’emprise de l’égo, ce pilote de notre vie, capable de stratégies alambiquées allant à l’encontre de ce qui est bon pour nous, celui qui nous fait douter. Le Clown Éveilleur vient le débouter de sa puissance, en tendresse et avec bienveillance, car avec l’égo, on ne peut pas faire autrement ». Cultiver l’esprit d’éveil, en s’entraînant à réaliser un état d’attention soutenu au présent, sans jugement ni analyse intellectualisée, fait partie intégrante des stages et des ateliers.

Et le rire dans tout cela ? Lydie considère que « jamais on ne le cherche ni le provoque. Le rire survient comme le résultat d’une présence personnelle authentique ; il est l’aboutissement d’une complicité avec le public, une reconnaissance de ce qui est ressenti comme ‘vérité’ : c’est comme la cerise sur le gâteau ! ».

Céline Chadelat, journaliste pour LE JOURNAL DU YOGA